Le
ju-jitsu, ou
jūjutsu ou encore
jiu-jitsu(柔術, jūjutsu?, littéralement : « Art de la souplesse » ), regroupe des techniques de combat qui furent développées durant l’ère féodale du
Japon par les samouraïs pour se défendre lorsqu’ils étaient désarmés. Ces techniques sont parfois classées en trois catégories principales :
atemi waza (technique de frappe),
nage waza (technique de projection) et
ne waza (travail au sol).
Dans le terme « Jū-jutsu », « Jū » (柔) signifie «
souplesse » et «
jutsu » (術) signifie art. Il existe diverses transcriptions phonétiques approximatives ce qui explique les différentes orthographes
[1]. L’orthographe
ju-jitsu est la plus utilisée dans la littérature francophone, bien que cela ne corresponde pas à la consonance.
Le terme générique « ju-jitsu » cache une réalité historique bien plus complexe : en effet, il n’a jamais existé une discipline unique et strictement définie correspondant à ce terme, réalité qui correspond au caractère vague de cette désignation « art de la souplesse ». Il s’agissait de la discipline de combat sans armes, partie intégrante du programme enseigné par chacune des nombreuses écoles japonaises (les ryu), qui ont peu à peu périclité à la fin de l’ère féodale. Ce que l’on appelle couramment ju-jitsu, désigne aujourd’hui soit un enseignement bien spécifique à une école particulière (il s’agit d’une pratique minoritaire, et dans ce cas, il est précédé du nom de l’école en question), soit un enseignement regroupant des techniques héritées de ces écoles et transmises au début de l’ère moderne voire après la Seconde Guerre mondiale à un plus large public, grâce au travail de recensement et de conservation des techniques commencé dès la fin du
XIXe siècle.
Au début du
XXe siècle, des personnes se sont inquiétées de la disparition de ce savoir, due à la modernisation de l’armée, et ont collecté les techniques de différentes écoles
(ryū ha) de ju-jitsu pour en faire une pratique moderne, adaptée aux besoins de la nouvelle société ; ainsi, naquirent le
judo, dont les composantes viennent en majorité de l’école Kito (Kito-ryu), l’
aïkido, émanation plus tardive de l’école Daito (Daito-ryu), ou plus récemment le
jiu-jitsu brésilien, né de l’évolution d’une variante de judo (Kosen), elle-même instruite par l’école Fusen (Fusen-ryu). Véritable nébuleuse à l’origine de constructions plus ou moins récentes, le ju-jitsu est à juste titre souvent qualifié d’« art père »
[2].
Bien que le ju-jitsu ne soit pas à l’origine du
karaté, qui est une technique d’origine de l’
archipel d’Okinawa, on en retrouve plusieurs similarités avec certaines anciennes formes de combats pratiquées sur les archipels des
Ryūkyū. Bien avant l’avènement du
Tode à Okinawa et dans l’archipel des
Ryūkyū, les insulaires pratiquaient déjà une forme de « yawara » d’où découlent le
ju-jitsu et le
taijutsu. Le
taijutsu et le
ju-jitsu de cette époque étaient encore indissociables de cette forme de « yawara ». Ce
taijutsu était une méthode de combat jalousement gardée secrète par la famille royale des îles
Ryūkyū, les « Motobu ». C’était une méthode ancienne et incluse dans un style de
Ryūkyū Kenpōqui était connue sous le terme « Udun Ti ». Elle porte aujourd’hui le nom de
Motobu Ryū.
Le terme jūjutsu
Le terme
jūjutsu traduisant de façon plus rigoureuse le mot japonais pour cet art martial est composé de deux
kanji. Selon la méthode de
romanisation du japonais la plus répandue, la
méthode Hepburn, ces kanji devraient se définir ainsi :
- Jū(柔?) : mou, tendre, doux, souple
- Jutsu(術?) : art, moyen, technique
Si l’on s’en réfère à l’origine de ce terme,
jūjutsu se traduit donc par «
l’art de la souplesse »
[3] ».
On retrouve généralement « l’art doux » écrit d’une autre manière, soit : « ju-jitsu » ou encore « jiu-jitsu ». Toujours selon la méthode Hepburn, « ju-jitsu » ou « jiu-jitsu » se définiraient ainsi
[4],[5] :
- Jū(柔?) : mou, tendre, doux, souple
- Jitsu(実?) : vérité, réalité, sincérité
On remarque ici que l’écriture du kanji
jutsu(術?) est très différente de l’écriture du kanji
jitsu(実?). Le
jujitsu serait donc traduit de la manière suivante : «
la vérité douce », «
la réalité de la souplesse » ou «
la sincérité du tendre », etc. Ce qui est très loin de la méthode de combat qu’est le «
jūjutsu ». La confusion et la mauvaise prononciation entre «
Jutsu » et « jitsu » remonte aux premiers échanges des occidentaux avec les nippons vers la fin du
XIXe siècle. Pour toutes sortes de raisons, souvent politiques (et légales, compte tenu du fait que ces termes sont déposés), la correction à la romanisation n’a jamais été apportée. Par contre, tous utilisent les bons kanji à l’écriture japonaise de cet art martial, le
jūjutsu(柔術?).
Les origines du ju-jutsu
Le concept principal du ju-jutsu est le jū, littéralement la « souplesse », c’est-à-dire éviter l’attaque frontale pour contrôler un adversaire plus fort, sans opposition de force. Par cette technique, ju yoku go o sei suru : le doux vainc le dur. Ce principe a donné naissance à un ensemble de techniques sophistiquées d’évitement, de canalisation de la force adverse, et de contrôle de l’adversaire par des déplacements, des frappes et des immobilisations obtenues grâce au contrôle des points vitaux et des articulations.
Les méthodes de combat connues comme le ju-jutsu sont vieilles de 1 500 ans au moins. Les débuts du ju-jutsu peuvent être situés dans la période turbulente au
Japon qui s’étalait entre le
VIIIe et le
XVIe siècle. Cette période connut au Japon d’incessantes guerres civiles et les systèmes d’armement classiques furent développés et éprouvés sur les champs de bataille. Les techniques de
combat rapproché faisaient partie intégrante de ces systèmes afin de combattre efficacement des adversaires portant armes et armure
[6].
La naissance du ju-jutsu coïncide probablement avec l’origine de la classe des
samouraïs datée de l’an
792. L’armée était constituée à cette époque de soldats se déplaçant à pied et armés de
javelots. Les officiers étaient recrutés parmi les jeunes fils des grandes familles et étaient formés au maniement de l’
arc, au commandement des troupes et également au combat sans armes. L’empereur
Kammu construisit le
Butokuden, une école formelle pour ces officiers que l’on connaît sous le nom de
samouraïs[7].
À la fin du
XIIIe siècle, les
Mongols tentèrent d’envahir le Japon et les samouraïs se défendirent durant des années dans de terribles combats. Au
XVe siècle, les maîtres d’armes établirent des
koryū bujutsu (écoles traditionnelles anciennes) afin d’enseigner leur style du
kenjutsu, l’art du sabre Entre
1467 et
1477, la
guerre d’Ōnin fit rage, cette période vit le déclin du pouvoir des
shoguns et le début du
Sengoku Jidai, l’« âge du pays en guerre », qui dura cent cinquante ans.
Le premier
jutsu ryū reconnu fut formé par
Takenouchi Hisamori en
1532 et consistait aussi bien en des techniques usant du
katana (sabre), du
bō (bâton) et du
tantō (couteau-sabre) que du
combat à mains nues. Les sauts et les coups de pied n’étaient peu ou pas enseignés dans le ju-jitsu puisque les techniques étaient souvent destinées à des combattants portant une
armure et que ces techniques sont risquées et difficiles à employer sur le champ de bataille (vêtements mal adaptés, risque de glisser et tomber, de se faire saisir la jambe…). Le terme
jūjutsu commença à être utilisé vers
1600[6]. Cependant, nombre d’écoles traditionnelles continuent d’employer d’autres termes tels que
yawara,
koppō,
dakentaijutsu,
yoroi Kumiuchi, etc. pour désigner leur art. En fait, le ju-jitsu n’est pas une discipline monolithique car de grandes différences peuvent apparaître entre des écoles portant toutes la même appellation de » jūjutsu « .